vendredi 10 avril 2015

Takuan

Le non faire dans l'art du sabre ?

Takuan fut un maître Zen qui instruisit le célèbre Maître d'épée Myamoto Musashi, 

ici ces extraits de l' exposé de Takuan, nous parle de l'immédiateté de l'action sans action. C'est la liberté de la vie à l'oeuvre dans l'art du sabre.



« Ce qui importe le plus, disait Takuan, dans l’art de l’escrime, est d’acquérir une certaine attitude mentale appelée « sagesse immuable ».
Cette sagesse s’acquiert intuitivement après un entraînement pratique prolongé.
«Immuable » ne signifie pas rigide, lourd et sans vie comme un rocher ou un morceau de bois.
Il signifie le plus haut degré de mobilité autour d’un centre immuable. Le mental atteint alors le plus haut degré d’alacrité, et peut diriger l’attention partout où il faut, à gauche, à droite, dans toutes les directions requises.
Lorsque l’attention est engagée et mobilisée par l’épée dont vous frappe l’ennemi, vous perdez la première occasion d’accomplir par vous-même le geste suivant.
Vous hésitez, vous pensez, et pendant cette délibération, votre ennemi s’apprête à vous abattre. Il s’agit de ne pas lui fournir cette occasion. Il vous suffit de suivre le mouvement de l’épée qui se trouve aux mains de l’ennemi, en gardant votre mental libre de faire son propre contre-mouvement, sans que votre adversaire se déplace, et cela aboutira à sa défaite. 
Ceci, qui peut s’appeler l’attitude mentale de non-ingérence, constitue l’élement le plus vital dans l’art de l’escrime aussi bien que dans le Zen.
Si deux actions sont distantes de l’épaisseur d’un cheveu, il y a interruption. Lorsque l’on tape des mains, le son se dégage sans un instant d’hésitation. 
Le son n’attend pas, ni ne pense avant de sortir. Il n’y a pas de médiation, un mouvement suit l’autre sans interruption du mental conscient.
Si vous êtes troublé ou si vous réfléchissez à ce qu’il convient de faire, lorsque vous voyez votre adversaire prêt à vous abattre, vous lui donnez de la place, c’est-à-dire une bonne chance de vous porter un coup mortel.




Que votre défense suive l’attaque sans un moment d’interruption et il n’y aura pas deux moments séparés appelés attaque et défense.
Le caractère immédiat de votre action amènera inévitablement la défaite de votre adversaire par lui-même.
C’est comme un bateau glissant doucement dans les rapides, dans le Zen comme dans l’escrime, un esprit qui n’hésite ni ne s’interrompt, ni ne s’interpose, est fort estimé.
On se réfère souvent dans le Zen à l’éclair ou aux étincelles jaillissant du choc de deux silex. Si l’on comprend cela au sens de rapidité, on commet une lourde faute. 
L’idée doit être celle de l’instantanéité de l’action d’un mouvement ininterrompu d’énergie vitale.
Lorsqu’on fait place à l’interruption dans un secteur qui n’est pas en rapport vital avec la circonstance, on est sûr de perdre sa propre position.
Cela ne signifie pas, bien entendu, que l’on désire accomplir des choses rapidement ou dans le temps le plus court possible.
Si vous aviez en vous ce désir, sa présence même serait une interruption. 
Cette vie de non-interruption que l’on dit nécessaire à la maîtrise de l’escrime est une vie de non-effort ou de non-désir.
Du point de vue de l’art, c’est un art de non-art. C’est le principe de non-action qui meut toutes choses.
Les saisons vont et viennent et toutes choses poussent.
Simplement parce que l’essieu ne bouge pas, les rayons tournent.
Toutes ces remarques tendent à montrer que le centre de gravité de la vie reste immuable et que lorsqu’on réussit à le comprendre, toutes les activités de la vie, qu’elles soient artistiques, poétiques, religieuses ou dramatiques, dans une existence tranquille d’études ou d’intense activité, on obtient un état de réalisation de soi qui s’exprime d’une manière parfaite dans la vie et l’action. »